Batman V Superman
(Zack Snyder – 2016)
A la base, un film dans lequel Batman et Superman allaient s’affronter, je n’avais rien contre. Et je dirais même qu’après avoir aimé la trilogie de Nolan et plutôt goûté Man of Steel, j’étais limite enthousiaste en apprenant que Batman V Superman avait dans ses producteurs Nolan lui-même.
Et puis, voilà, patatras, au bout d’une demi-heure j’ai très vite pigé ce qui allait constituer la matière première du film : du bourrin premier choix. Tout dans ce film est lourd, incroyablement épais. A commencer par l’intrigue qui tente de nous faire avaler un duel Batman/Superman en nous expliquant que Batman en veut au mec en slip rouge, pasque le mec bourrine tellement qu’il se rend pas compte des dégâts collatéraux qu’il fait, le con ! Et Superman kiffe moyen le mec en costume de chauve-souris pasque, quand même, oser marquer au fer rouge ses victimes, dark le gus, ugly la justice, c’est juste pas possible quoi !
« Descends de là si t’es un homme, enculé !
– OK j’arrive, sale petit enfant de putain ! »
Toute aussi débile est la sénatrice qui demande à Superman d’aller s’expliquer au Capitole. Rien à foutre que le mec ait sauvé la planète des agissements de Zod. Non, ce qu’elle voit, c’est qu’il est au-dessus des lois, qu’il n’a pas demandé la permission d’intervenir, qu’il n’a pas eu la décence de choper au moins le formulaire 46-2bc du ministère de l’intérieur lui donnant la permission d’intervenir. Comme elle le dit (sur le ton d’une institutrice faisant la morale à son élève le plus perturbateur), « c’est comme ça que fonctionne une démocratie ».
Mine contrariée de Superman à cet instant, qui doit se demander s’il doit rester ou foutre le camp après avoir atomisé tous ces ingrats.
On pourrait continuer en citant d’autres invraisemblances de ce type. Je n’ai jamais été de ces « vraisemblants » dont se moquait Hitchcock. Fermer les yeux sur des détails pour prendre du plaisir, je sais faire. Mais il arrive un point où cela devient gênant, quand bien même il s’agirait d’un film de super-héros. Batman V Superman, c’est la nouvelle illustration de la volonté de donner l’avantage à la force brute numérique sur l’intrigue. Ayant récemment revu the Dark Knight, j’ai été surpris de voir combien les scènes d’actions sont minoritaires et habilement préparées par une intrigue bien ficelée et des dialogues omniprésents. Et quand elles arrivent dans leur rutilant IMAX, on sait que ça va être du miel pour les yeux. Le montage de ces scènes est nerveux mais laisse le temps aux images de s’incruster sur les rétines pour être appréciées.
Séquence du bat pod, ça fait du bien de la revoir après Batman V Superman.
Dans Batman V Superman, rien de tout cela. La scène où Batman poursuit les gangsters dans sa batmobile est purement illisible. On est dans une sorte de spectacle de foire dans lequel le fracas permanent le dispute à des images numériques surchargées d’effets pour rendre (ou supposés rendre) la scène spectaculaire. Ça peut impressionner les mouflets, pour les adultes, la réaction se résume souvent à un haussement d’épaules. Et il n’en va pas autrement du combat final contre Doomsday. Quand j’ai vu ce dernier environné d’une boule d’énergie se propageant à cinq cents mètres à la ronde, j’ai tout de suite pensé à Dragon ball. Etait-ce bien Doomsday au milieu ? Comme le scénario était farci de toutes les incohérences, c’était limite si je ne m’attendais pas à voir surgir à la place un Freezer ou un Végéta. C’est que BVS possède en lui le syndrome Dragon Ball Z. Après un Dragon Ball au savant cocktail d’aventure, de baston et d’humour, on a eu la suite privilégiant la baston et laissant à l’humour une portion congrue. Les films DC Comics semblent clairement prendre cette direction. Pas que la trilogie de Nolan soit réputée pour être drôle, je veux juste dire que ses films respiraient, savaient temporiser et mettre en valeur les morceaux de bravoure. Bref, lorsque a été annoncé un film mettant aux prises les deux star de DC Comics, il s’est tout de suite posé cette question : comment Batman allait-il pouvoir faire pour tenir la dragée haute à Superman ? Ça paraissait insurmontable mais en imaginant un duel mettant au prise l’intelligence à la force, on pouvait rêver d’une subtil jeu de chat à la souris au bout duquel une victoire de l’homme chauve-souris pouvait se dessiner. En gros, on aurait pu avoir une situation comme dans The Dark Knight, avec Batman dans le rôle du Joker, et Superman à la place de Batman.
Le joker, magister ludi ultime. Au passage cette scène nous fait voir combien Eisenberg dans le rôle de Luthor est lui aussi terriblement lourd.
Au lieu de cela, que nous a-t-on offert ? Une scène bourrine dans laquelle les deux héros se bourrent la gueule de parpaings aussi hénaurmes que l’imagination des scénaristes. C’était malheureusement prévisible puisque juste avant on voyait Bruce Wayne en train de s’entraîner en faisant des traction avec des boulets d’un bon quintal suspendus aus pieds. J’ai tout de même douté à ce moment, naïf que j’étais, me disant : « non, on ne va quand même pas avoir droit à une scène de combat à mains nus ? ». Et malheureusement si, le tout accompagné d’une partition hanszimerrienne puissance 10 (là aussi, si les images sont illisibles, la musique devient parfois purement inaudible), on a malheureusement droit à une gigantesque foire d’empoigne entre les deux gus.
Puis arrive Doomsday, puis Wonder Woman, puis on apprend que cette dernière à d’autres camarades comme elle. Et là on comprend avec cette surenchère que le prochain épisode va faire mal aux yeux et aux oreilles. Le retour aux sources, ou du moins un retour à une certaine mesure, ce n’est manifestement pas pour maintenant chez DC Comics. Ce sera sans moi, je préfère m’en retourner à la trilogie nolanienne et à ce genre de séquence :
La scène qui me donne à chaque fois un petit frisson de plaisir. Batman n’apparaît pas comme un bourrin. Juste comme un héros implacable (dans cette idée, le thème de Zimmer à 0:58, pour simple qu’il soit, est jubilatoire) qui fait tout de suite comprendre au spectateur que ze hero is back et qu’il n’y a plus que deux choses à faire : se lover dans son fauteuil et admirer. Choses qui sont évidemment plus délicates à faire dans Batman V Superman.