Et c’était donc parti pour un final de deux heures puisque les deux derniers épisodes devaient être diffusés à la suite. Normalement, l’avant-dernier épisode devait nous montrer une conjonction de tous les éléments narratifs vers Twin Peaks et les locaux du shérif, avec un duel ultime Dale Cooper / Evil Coop qui allait peut-être voir le bien prendre sa revanche. Accessoirement, ça devait être aussi l’occasion de poursuivre les retrouvailles avec Cooper fraîchement ressuscité de sa prison version Dougie Jones. Les petites plaisanteries sur le café, les sourires complices avec les anciens de la série, je me frottais les mains d’avance en espérant tout cela.
Hélas ! il était dit que cette saison continuerait de prendre le spectateur au dépourvu jusque dans les derniers épisodes. J’écris « hélas ! » sans que cela signifie que j’ai été dégoûté par les derniers épisodes. Qu’il y ait eu un sentiment de déception, sans doute. Mais qu’en filigrane, il y ait eu derrière cette déception un sentiment de vertige devant une richesse sous-jacente qui allait permettre de multiples revisionnages, c’est tout aussi certain. Qu’on ne s’y trompe pas : si pour le générique de début Lynch a choisi de montrer des hauteurs montagneuses couvertes d’arbres, c’est bien parce que le spectateur a souvent eu l’impression (et encore plus dans les derniers épisodes) d s’enfoncer dans une forêt de signes, juste équipé d’une boussole bien incapable de lui pointer une direction fiable.
D’un côté la résolution est simple, et même d’une simplicité déconcertante, presque navrante : on attendait une confrontation Cooper / Evil Coop, en fait c’est Lucy qui réglera le problème. Bob ? Pas de problème, l’anglais au gant vert lui réglera son compte dans un combat aussi cheap qu’invraisemblable. La victoire se doublera d’un happy end soap avec le retour de Diane, la vraie, qui se cachait en fait derrière la femme asiatique sans yeux, Naido (dont le nom est un quasi anagramme de Diane). Déconcertant de simplicité mais alors que l’on est seulement à la moitié de l’épisode, on se doute que Lynch a prévu quelque chose pour emmener le spectateur un peu plus loin qu’un climax tiré par les cheveux.
Comme toujours, c’est le jeu sur la perception de la réalité que va utiliser Lynch en superposant le visage d’un Dale Cooper sur les scènes se déroulant dans le bureau du shérif, donnant l’impression que tout ce qui a précédé (c’est-à-dire toutes la saison 3 et certains vont même jusqu’à inclure les deux premières saisons) n’était qu’un rêve. Le Cooper rêvé s’apprête donc à quitter ses amis pour laisser la place au Cooper qui effectuait le rêve, qui a été plongé dans un univers de symboles (comme dans tout rêve) et qui a peut-être enfin trouvé la clé non pas pour résoudre l’affaire Laura Palmer (qui a déjà été résolue) mais pour revenir en arrière et empêcher son meurtre.
La retrouvant dans la fort avant qu’elle ne rejoigne Léo et Jacques Renault, il lui prend la main et la guide pour l’aider à s’extirper de son tragique destin. Mais au même moment, coucou ! c’est cette bonne vieille Sarah Palmer (version folle du logis) qui s’empare dans son salon du portrait de sa chère fille et qui se met à le détruire à coups de bouteille. J’ai songé ici à la scène finale de Mulholland Drive, les horribles petits vieux (les parents symboliques) qui surgissent pour pousser au suicide, empêcher la vie de leur fille. Le résultat sera le même, pas non plus un suicide mais une impossibilité à vivre en suivant la direction choisie par Cooper. Alors que le couple se rapproche d’un arbre mystérieux qui semble être la porte de sortie de Laura et la fin définitive de l’affaire Laura Palmer, elle disparaît et Cooper n’a plus que ses oreilles pour entendre un hurlement déchirant parmi les arbres. Ce serait la première conclusion de la saison 3 : on croyait les forces du bien parties pour l’emporter et finalement, c’est le Mal, non pas incarné par Bobby mais par la mère de Laura, qui l’emporte in extremis (souvenir aussi de la jeune femme dans l’épisode qui dit à Cooper : « dépêchez-vous ! ma mère arrive ! ». On peut y voir l’avertissement le plus important de la saison, le problème étant moins Bob et Evil Coop que… la mère). Pendant les deux premières saisons c’était le père, c’est maintenant au tour de la mère de faucher une deuxième fois sa progéniture. Fin tragique, sauf que, voilà, il restait encore un épisode à visionner…
Déconcertant, c’est le moins qu’on puisse dire, mais Lynch va jusqu’au bout, il refusera de donner ce que les spectateurs pensent devoir recevoir. Sarah Palmer, réceptacle d’un monstre encore plus grand que Bob ? Ben vu ce qu’elle a fait au mec dans le bar, on s’en doute un peu mais…
Et du coup, tu est resté bloqué sur cet épisode ? Le 18 a vraiment une ambiance particulière, unique… Bref, je suis resté comme deux ronds de flanc (expression vintage)… Le bonheur que ça va être de revoir tout ça.
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En parlant de monstre, ne pas oublier non plus cet être :
On l’aperçoit notamment dans Fire Walks with Me sous l’apparence d’un clown de cauchemar mais aussi sous celle d’un petit garçon affublé d’un masque au nez pointu, accompagnant Madame Chalfont, évoquée dans le dernier épisode de cette saison.
Sinon, j’ai bien sûr vu l’épisode 18 dans la foulée, c’est juste que la dernière marche est toujours la plus difficile à gravir, surtout après un tel épisode. Du coup le dernier article a mis un peu de temps à sortir.
Effectivement du bonheur qui nous attend et ce dès le mois de décembre puisque le coffret blu-ray de la saison 3 est prévu pour cette période !
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Oui, je l’ai aperçu le flippant gamin à masque d’oiseau (mais je ne sais plus où du coup, tout ça était telelment chargé). Les Chalfond/Tremond sont vraiment des personnages inquiétant (dans le dernier épisode, le fait de ne pas voir le mari dans la maison… Ahhh, les joies du hors-champ dans un monde saturé de jump-scare de screamers ! C’est tellement plus fort).
Je n’ai qu’une hâte, c’est de me refaire cette saison le plus vite possible !
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Effectivement, quand j’y repense le fait qu’on ne voit pas le mari est inquiétant, la scène agit comme une copie de celle dans laquelle Hawk rend visite à Sarah Palmer et entend un bruit hors champ se produisant à l’intérieur de la maison.
Sinon le gamin apparaît bel et bien dans Fire walk with me :
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Oui, je voulais dire dans la série. Dans Fire Walk, impossible de l’oublier !! Revu récemment pour des raisons évidentes, je mettrais ce film dans mon top 3 avec Lost Highway et Mullholand Drive. C’est aussi de loin son plus sombre. (bon, un jour faudra bien que je me refasse Inland Empire)
Ah oui, bien vu le parallèle avec la scène Hawk/Sarah. Mais du coup, la petite fille qui avale l’horrible créature grenouillesque, ce serait pas plutôt une jeune Sarah, dès lors habitée par « Judy », ce qui fait que quand Bob se jette sur Leland, les deux esprits du mal se retrouvent sous le même toit ? Allez, hop, une deuxième vision de la série !!!
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Je me suis fait il y a trois mois une longe David Lynch et j’avoue avoir du mal avec FWWM. Mulholland et Lost Highway sont indéboulonnables en haut de mon classement.
Pour la petite fille, effectivement, je l’avais oubliée celle-là, pas impossible que ce soit Sarah Palmer. Je n’ai plus du tout en tête la conversation de cette jeune femme avec son soupirant, mais ce qui me donne à penser qu’il s’agit peut-être de Sarah est un autre parallèle, celui de cette scène de séduction avec le jeune homme (dans l’épisode 8 donc) et celle de la scène 14, tu sais, celle dans laquelle Sarah se fait horriblement draguer par la camionneur ordurier. D’un côté la jeunesse, la beauté, deux jeunes gens charmants avec un jeune homme tout en politesse, de l’autre laideur, deux vieux dans un bar crasseux avec un routier au langage fleuri. D’un côté un jeune homme qui envoie un baiser, de l’autre une femme qui en envoie un (mais pour arracher la moitié du cou de son « soupirant »). Une sorte d’écho inversé à une scène originelle qui me semble significative, sans compter que la jeune femme dans l’épisode 8 va bientôt être habitée par une créature, tandis que Sarah dans le 14 enlève son visage pour montrer qu’elle est habitée par un être maléfique. Ouais, plus j’y pense plus je me dis que la jeune femme ne peut être que Sarah.
Après, c’est bizarre, j’avais l’impression dans l’épisode 8 que l’œuf comportant la bestiole était envoyée sur terre pour contrer Bob et protéger Laura (on voyait son visage apparaître au moment du « lancement » de l’oeuf). Apparemment c’était donc pour accabler un peu plus la pauvre Laura ? En tout cas le fait que l’on ait vu son visage peut signifier que la « cible » était bien Sarah puisque c’est elle qui allait lui donner naissance.
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