Si Versailles m’était conté
Sacha Guitry – 1954
Je n’ai pas fait exprès de voir ce film quelques jours après avoir revu L’Arche Russe. Comme pour ce dernier, on a droit à une chiée d’acteurs et à une plongée dans un lieu prestigieux, ici Versailles. Là s’arrête cependant le rapprochement car pour ce qui y est de l’apport à l’histoire du cinéma, tout oppose ces deux films. Si Versailles m’était conté est une œuvre populaire mais cinématographiquement nulle tandis que l’Arche Russe est une œuvre achevée au dernier degré mais réservée à une certaine catégorie de cinéphiles. Les deux ont pour but de faire une leçon d’histoire, mais si le film russe le fait sur un mode poétique, le blockbuster français de l’année 1954 (6 986 788 entrées) le fait sur un mode didactique un rien plombant. Dès le début, voir Guitry se poser sur un burlingue pour feuilleter un album tout en le commentant d’une voix gourmée, on sent qu’à la longue, le spectacle promet d’être terrible.
Sacha Guitry, professeur d’histoire terreur des petites têtes blondes.
Ça n’a pas raté. Et pourtant, je ne dédaigne pas les vieilleries naphtalinées avec moult costumes. Au début j’y ai trouvé un certain charme, le charme de ces productions d’antan avec des dialogues semblant sortir de toute une littérature historique populaire. Mais le charme s’est étiolé petit à petit et j’avoue que la deuxième partie a été regardée avec un œil plus que distrait.
On voit assez ce qui a pu contribuer au succès de ce film en 1954. Tout d’abord la promesse pour le spectateur terré dans sa province d’être plongé dans un lieu prestigieux. Sans doute cela a-t-il constitué une expérience sympathique sur les grands écrans d’alors. Pour un œil moderne en revanche, il faut bien avouer que toutes ces dorures, tout ce style rococo en technicolor n’est plus du meilleur effet. Il y a un effet carton pâte qui donne parfois plus l’impression que le film a été tourné en studio plutôt qu’à Versailles (ce qui pourtant a été le cas). Remarquez, sous acide ou sous cocaïne, je ne dis pas que le film puisse avoir un côté « trip ultime » à la 2001.
Dans cette composition luxuriante se cache un Jean Marais. Sauras-tu le retrouver ?
Le spectateur de l’époque a pu être aussi intéressé par le casting tout de même un peu hallucinant que le film proposait. Gérard Philippe, Edith Piaf, Jean-Louis Barrault, Bourvil, Gino Cervi, Jean Marais, Tino Rossi, Jean Richard, Raymond Souplex, Charles Vanel, Orson Welles, Brigitte Bardot, Annie Cordy et une pléthore d’autres tombés dans l’oubli depuis mais sûrement connus à l’époque. Pour le spectateur moderne, c’est tout de même une curiosité et un amusement de repérer tous ces visages mais là aussi, le jeu a du mal à tenir la route deux heures quarante durant. Et quand on découvre le gros Orson Welles grimé en Benjamin Franklin…
Gasp !
… on a presque envie de crier grâce !
Enfin, il y a tout simplement la manière d’amener cette leçon d’histoire. La leçon d’histoire est au début assez amusante mais très vite la succession de tableaux finit par lasser. Quand arrive la Pompadour et sa généreuse plastique, on se dit que ça va enfin s’animer avec du croustillant…
Allez ! Faut pécho ! Trousse-moi cette gueuse, elle n’attend que ça !
Mais las ! comme c’est un spectacle familial, les salaceries de Louis XV (joué par un Jean Marais plutôt pas mal dans le rôle) tournent court. Finalement on se dit qu’il manque à ce film le parti pris de Dumas, à savoir se concentrer sur des personnages historiques confidentiels plutôt sur les grands personnages historiques, et « violer l’histoire pour lui faire de beaux enfants » (l’expression est de lui). En somme, on pourra préférer les films d’aventures de l’époque plutôt que ce machin indigeste et ne donnant pas forcément envie de voir sa suite, sortie l’année suivante : Si Paris m’était conté.
5/10